Par Louis Thomas Federspiel | publié le 21-08-2023 à 10:57 | modifié le 28/07/2023
Granulé de bois : état des lieux
Longtemps réputé bon marché et habituellement très stable en prix, le granulé de bois n’a pas été épargné par la brutale inflation qui a touché toutes les énergies au printemps 2022. Alors que nous sommes revenus à une situation plus sereine, il est temps de tirer les enseignements de cet épisode.
En 2022, un enchaînement de circonstances a poussé le prix du granulé de bois vers des sommets jamais atteints. Le granulé poursuivait alors sa progression dans le mix énergétique des foyers français de plus en plus séduits par ses vertus environnementales et son prix modéré. Les incitations à adopter des énergies renouvelables comme MaPrimeRenov’ et l’interdiction du renouvellement des appareils au fioul ont encore renforcé cet engouement. Mais, selon Carine Pechavy, directrice générale de Pechavy Energie Bois et ancienne présidente de Propellet France*, « la situation a commencé à se tendre avec la crise sanitaire qui a eu pour conséquence l’augmentation des coûts de production et de transport. Est arrivée ensuite la crise ukrainienne qui a bousculé le marché européen. » Bien qu’étant proche de l’autosuffisance, la France consommait alors près de 15 % de granulés de bois importés, « mais le blocus russe a rendu plus délicat l’équilibre entre l’offre et la demande. Cela a été une surprise pour beaucoup. Chez Pechavy, nous travaillons avec des fournisseurs de proximité que nous connaissons depuis des années et nous n’avions pas la tentation d’aller chercher un produit moins cher à l’import, mais certains distributeurs de granulés travaillaient avec des fournisseurs d’Europe de l’est et l’on s’est vraiment rendu compte que cet import avait son rôle à jouer lorsqu’il a disparu… d’autant que l’Italie – grosse consommatrice de granulés, mais très peu productrice – a dû trouver en toute hâte de nouvelles sources d’approvisionnement en s’adressant notamment à des fournisseurs français », ce qui n’a pas manqué de faire grimper les enchères.
Mauvaise presse
De nombreux acteurs de la filière considèrent que ces tensions déjà sérieuses ont encore été accrues par le traitement médiatique qui en a été fait. Redoutant de ne pouvoir se chauffer, les consommateurs ont été nombreux à stocker plus que de raison. C’est le mécanisme de la prophétie autoréalisatrice : la simple évocation d’un risque de pénurie a provoqué l’emballement de la demande et des prix. Pour Carine Pechavy, « cette suspicion de pénurie a amené les médias nationaux à beaucoup parler du granulé de bois. Il s’agissait d’une publicité inédite que la filière avait longtemps cherché à obtenir sans y parvenir. Malheureusement, le contexte était négatif et ce n’était pas une bonne publicité ! » En effet, alors que l’approvisionnement en granulés avait généralement lieu entre le mois de juin et de novembre, en 2022, il s’est fait entre février et juin avec une demande deux fois supérieure à celle de 2021 alors que l’on prévoyait une hausse de la consommation effective de 12 à 13 %.
Quelles prévisions ?
« L’hiver 2022-2023 a donc été très compliqué » avec des prix multipliés par deux et le chèque énergie bois pour seule aide aux consommateurs à défaut de bouclier tarifaire. « La situation est aujourd’hui plus sereine, mais je n’ai pas de boule de cristal ! Ce qui est certain, c’est que les producteurs cherchent à remonter leurs stocks pour l’hiver prochain. La fabrication des granulés de bois dépend aussi du coût des autres énergies et même si le marché s’est un peu détendu, on ne reverra jamais des granulés à 200 € la tonne… Beaucoup s’accordent à dire que les prix vont à nouveau remonter cet hiver. Mais nous n’avons pas de prise sur cet aspect. Nous avons subi les tensions au même titre que le consommateur final et étions en première ligne face à lui » Cela dit, Amaury Mascot, animateur réseau professionnel chez Pechavy, observe que le comportement des consommateurs est revenu à la normale : « L’année dernière, certains consommateurs pouvaient commander jusqu’à trois palettes de granulés de bois alors que leur consommation annuelle normale n’était que d’une seule palette. Donc cette année, ils n’achètent rien car ils ont encore du stock. Globalement, les consommateurs commandent aujourd’hui seulement ce dont ils ont besoin. Certes, ils ont un peu anticipé leurs achats de granulés comparés aux années passées, mais cela relève plus de la gestion de bon sens que la panique observée en 2022. »
Le juste prix
La baisse des prix engagée à partir du début de l’année 2023 n’a pas fait revenir le granulé à son prix de 2021, mais pour Carine Pechavy, « nous sommes à des prix qui correspondent sans doute au marché. Pendant longtemps, nous avions le granulé pas cher et beaucoup d’acteurs du marché, à commencer par les fabricants de chaudières, ont communiqué sur le fait que le granulé était une énergie bon marché. Mais cela ne pouvait pas durer éternellement, sauf si la filière avait été subventionnée, ce qui n’est pas le cas. Donc on arrive sans doute à un prix normal. »
Se pose alors la question de savoir si ces soubresauts ont provoqué un désamour de certains consommateurs de granulés. « Je dirais que le granulé garde l’immense majorité de ses adeptes. Beaucoup se renseignent et ont bien conscience des problématiques expliquant l’évolution des prix, mais nous avons tout de même quelques consommateurs qui se sont tournés vers la pompe à chaleur sans bien se rendre compte du prix très élevé de l’électricité. » Amaury Mascot ajoute que l’électricité est la plus chère de toutes les énergies : « Il est vrai que le tout électrique est vraiment dans l’air du temps. On ne parle que de voiture électrique et de pompe à chaleur, mais il faut ramener le coût de l’énergie au centime d’euro payé par kilowattheure. On se rend alors compte que l’électricité est deux fois plus chère que le granulé ! » Cela dit, l’intérêt de la pompe à chaleur est de pouvoir apporter de la chaleur en hiver, mais aussi de la fraîcheur en été, ce que Carine Pechavy reconnaît : « Dans certaines régions de France plus exposées aux canicules, il est tout aussi important de se rafraîchir en été que de se chauffer en hiver. Et la pompe à chaleur, permet de répondre à ce double besoin. Les contraintes diffèrent selon la région et le type de logement, et les solutions de chauffage les plus pertinentes ne sont pas toujours les mêmes. »
Energie verte
En conclusion, bien que restant meilleur marché que la plupart des autres énergies, le granulé de bois a bien d’autres arguments à faire valoir que son prix puisqu’il permet de recycler les connexes du bois, c’est-à-dire un déchet de l’industrie du bois, et que la libération de CO2 occasionné par sa combustion est en partie compensée par la captation de CO2 pendant la croissance du bois. D’ailleurs, la filière se porte fort bien et prévoit un doublement de la capacité de production d’ici 2028. On compte aujourd’hui plus de 1,7 million de foyers français équipés en poêles ou chaudière à granulés de bois et les niveaux de consommation ont doublé en 5 ans. Des chiffres qui devraient continuer d’évoluer favorablement puisque cette crise a eu le mérite de rendre la filière plus mature et plus à l’aise dans sa communication. Il en ressort que les consommateurs comprennent mieux ses contraintes et anticipent davantage leurs achats.
* Propellet France est l’association nationale des professionnels du chauffage au granulé de bois. C’est aussi la source des chiffres cités dans cet article : https://www.propellet.fr/