Par Louis Thomas Federspiel | publié le 16-11-2023 à 18:20
Le désembouage, comment ça marche ?
Dans notre premier article sur le désembouage, nous avons expliqué la nécessité de cette opération d’entretien pour maintenir le rendement de votre installation de chauffage et lui éviter une panne. Voyons maintenant comment il se déroule, concrètement.

Pour comprendre les enjeux du désembouage, nous vous invitons à lire notre premier article à ce sujet, mais pour en rappeler les grandes lignes, disons simplement que le désembouage consiste à faire circuler dans l’installation de chauffage un produit chimique désembouant afin de disperser les dépôts accumulés. À ne pas confondre avec un simple rinçage.
Pour maintenir une installation de chauffage en bon état de fonctionnement, le désembouage est donc incontournable, mais il semblerait que les pratiques divergent. Selon Philippe Lafond, président de Coroxyl, « l’arrêté du 24 juillet 2020 impose aux services après-vente de contrôler annuellement le taux d’embouement des installations de chauffage, mais aucune valeur ou mode opératoire n’est précisé. Nous avons donc développé en partenariat avec Hanna Instruments (société spécialisée dans l’instrumentation analytique) un outil électronique pour mesurer la quantité de particules solides d’oxydes métalliques et bactériennes contenues dans l’eau de chauffage, principale cause des dysfonctionnements et d’une surconsommation des installations. Aujourd’hui, de nombreux SAV utilisent cet outil, ce qui permet d’avoir des mesures homogènes. »
Une mesure précise de l’embouement
Cette réglementation est appliquée depuis le 1er janvier 2021 et les fabricants de chaudières ou de pompes à chaleur l’ont accueilli avec satisfaction parce qu’elle permet de prévenir une grande partie des défaillances traitées en garantie qui sont en réalité imputables à l’état du réseau et non à la qualité de leurs produits. Cela permet aussi de mettre l’installateur devant ses responsabilités : celui qui oublierait d’informer son client de la nécessité de désembouer est fautif. Cela dit, tous les services après-vente ne sont pas encore irréprochables… « Cela prend du temps dans le bâtiment, il y a une certaine inertie. C’est le chauffagiste qui est en première ligne et s’il ne change pas ses habitudes, les choses ne changent pas. »
Précisons au passage que si l’information du consommateur est le premier objectif de cette évolution réglementaire, l’aide au désembouage est également prévue puisqu’il est partiellement subventionné avec une fiche CEE (BAR-SE-108) depuis octobre 2022. De quoi inciter le consommateur à consentir au désembouage car, une fois informé par le professionnel, c’est à lui que revient la décision de faire ou non le désembouage de son installation.
La désemboueuse tend à s’imposer
Combien de temps demande un désembouage ? Le temps de l’opération dépend du volume d’eau et de la taille de l’installation. Pour un pavillon standard de 100 m², le désembouage prend généralement une demi-journée. La technique conforme à la fiche CEE consiste à faire circuler sous pression un produit désembouant dans l’installation à l’aide d’une pompe à desembouer (désemboueuse). On procède radiateur par radiateur et/ou boucle par boucle de plancher chauffant. On effectue ensuite un rinçage de l’installation avant d’injecter un produit inhibiteur de corrosion multi-métaux devant impérativement être agréé auprès du ministère de la Santé pour sa non toxicité. Cet inhibiteur restera dans l’installation et ralentira la réapparition de la corrosion.
C’est donc une intervention qui se fait en deux phases : désembouage et rinçage. Cette technique tend à remplacer une méthode plus traditionnelle qui consistait à injecter le produit desembouant et à le laisser circuler dans l’installation par l’action du circulateur de la chaudière ou de la pompe à chaleur. Le professionnel revenait quelques semaines plus tard pour effectuer un rinçage complet de l’installation et injecter le produit inhibiteur de corrosion. À la fois moins rapide et moins efficace, cette méthode appartient de plus en plus au passé car, depuis juillet 2017, les chaudières et pompes à chaleur sont équipées d’un circulateur modulant qui impose l’utilisation d’une désemboueuse.
Pour mesurer l’efficacité du désembouage, il est même possible d’utiliser une caméra thermique. Un procédé développé par Coroxyl dont Philippe Lafond nous explique l’intérêt : « Cette technique particulière repose sur l’action combinée de la désemboueuse et de notre produit désembouant C3 qui chauffe en présence d’oxydes. À l’aide d’une caméra thermique, on peut ainsi contrôler en direct l’efficacité du désembouage. Et ce procédé est applicable sur toutes les installations. »
Le désembouage dans les copropriétés
Quid du désembouage dans l’habitat collectif ? Pour le moment, il n’existe aucune obligation de contrôler le niveau d’embouement des installations de plus de 70 kW et pas non plus de fiche CEE sur de tels désembouages qui existent pourtant bel et bien. Le traitement des chaufferies importantes requiert l’usage de grosses désemboueuses pouvant atteindre la taille d’une petite voiture ! Un certain nombre de sociétés en ont fait leur spécialité et sont en relation avec les syndics de copropriété, lesquels sont de plus en plus nombreux à procéder à des désembouages sur des installations souvent saturées de boue. Ces interventions ont lieu bien souvent au moment du remplacement d’un équipement de chauffage. Les sociétés prestataires qui assurent la gestion des installations de chauffage pour le compte des syndics sont parfois plus au fait des choses, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de négligence car les façons de voir sont souvent assez datées en raison d’un défaut de formation.
Les bonnes pratiques du désembouage
D’une manière générale, les produits de traitement perdent leur efficacité au bout d’une dizaine d’années. On doit alors envisager un nouveau désembouage, sachant qu’il est aisé et peu coûteux de mesurer le niveau d’embouement de l’installation avant de se décider à faire un désembouage. C’est un point de vigilance essentiel pour la préservation d’une installation de chauffage et pour le maintien de ses performances. Pourtant, le désembouage reste mal connu, sans parler des professionnels qui confondent encore rinçage et désembouage, mais l’évolution de la réglementation imposant l’information des consommateurs va dans le bon sens. Pour les particuliers vivant en copropriété, il peut être utile de s’emparer de la question et de la soumettre à son conseil syndical ou au syndic de copropriété avant d’avoir à déplorer une panne au pire moment…